acemoglu71_tieroGetty Images_creativedestruction tiero/Getty Images

Sommes-nous préparés à la destruction créatrice de l'IA ?

BOSTON – L’antique concept chinois de yin et de yang témoigne de la tendance humaine à interpréter le monde qui nous environne par des archétypes de contraires imbriqués ; cette prédilection a inspiré diverses théories des cycles naturels appliquées aux phénomènes sociaux et économiques. Tout comme, Ibn Khaldoun, le grand philosophe arabe du Moyen Âge voyait s’inscrire dans l’essor d’un empire sa chute ultérieure, l’économiste Nikolaï Kondtratiev, au xxe siècle, affirmera que l’économie globale moderne se déploie sur des cycles longs, où la récession succède à l’expansion.

Mais aucune autre théorie n’a connu une aussi grande fortune que celle qui relie la destruction d’un ensemble de rapports de production à la création d’un autre, et qui remonte à Karl Marx. En 1913, l’économiste allemand Werner Sombart note : « De la destruction surgit un nouvel esprit de création. »

C’est à l’économiste autrichien Joseph Schumpeter qu’il revient d’avoir divulgué et étendu l’idée selon laquelle les innovations viennent sans cesse remplacer les technologies qui dominaient avant elles et renverser les vieux béhémoths industriels. L’idée schumpétérienne de « destruction créatrice » a beaucoup été utilisée dans les sciences sociales pour expliquer le procès de l’innovation et de ses conséquences. Ces analyses identifient aussi les tensions inhérentes au concept. Par exemple, la destruction porte-t-elle en elle la création ou bien n’est-elle que l’inévitable sous-produit de la création ? Ou encore, plus pertinemment peut-être, la destruction est-elle inévitable ?

https://prosyn.org/H3QprO3fr